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avec les conceptions mythiques des époques précédentes. Et si maintenant nous demandons comment cette révolution peut produire l'effet qu'on lui attribue, voici à peu près la réponse que nous recevons. Sur un point de l'Univers a commencé un mouvement rotatoire qui s'est propagé et ne cessera de se propager à des cercles toujours plus étendus. On peut, avec quelque probabilité, considérer le pôle septentrional du ciel comme point de départ de ce mouvement ; quant à sa transmission, elle ne peut guère s'opérer qu'en lignes circulaires, et elle est due au choc ou à la pression que chaque particule de matière exerce sur son entourage. Ainsi seulement, le premier choc, dont l'origine va bientôt nous occuper, pouvait produire naturellement les extraordinaires effets qu'Anaxagore lui attribue. L'inconcevable puissance, l'inconcevable rapidité de ce mouvement rotatoire avaient, selon la pensée évidente du Klazoménien, produit un tel ébranlement dans la masse sphérique de la matière, que la ferme cohésion en avait été relâchée, que la friction des particules avait été surmontée, et qu'ainsi il leur avait été possible de suivre la sollicitation de leur pesanteur spécifique. Alors seulement, pouvaient et devaient se former les masses de matière homogène auxquelles étaient réservées les diverses régions de l'Univers. « L' Épais, le fluide, le froid et le sombre se sont réunis à l'endroit où se trouve actuellement la terre (à savoir au centre de l'Univers) ; le subtil, le chaud et le sec se sont élancés bien haut dans l'éther ». On voit que la chaîne d'effets rattachée à ce phénomène initial, qui se produit dans un lieu limité de l'espace, s'étend à perte de vue. Mais ce phénomène lui-même nécessitait une explication. Il devait avoir, lui aussi, une cause. Ici les analogies physiques laissent notre philosophe dans l'embarras ; il recourt à ce que l'on peut appeler avec une demi-raison une intervention surnaturelle. Avec une demi-raison, disons-nous. Car si l'agent qu'il appelle à son secours n'est pas absolument matériel, il n'est pas non plus absolument immatériel ; si ce n'est pas la matière ordinaire, ce n'est pas non plus la divinité ; et surtout s'il est proclamé souverain et sans limites, il fait de sa puissance un si mince et même si exceptionnel usage qu'on peut bien lui attribuer en principe la domination sur la nature, mais non pas, assurément, la lui accorder en fait. Quoi qu'il en soit, la première chiquenaude est censée avoir été donnée par le Nous, mot que nous préférons ne pas traduire, parce que toute traduction, que ce