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soucis, en quoi était-il moins malheureux, parce qu’il ne pensait pas, comme les autres, que Dieu pourrait l’en dédommager dans l’autre monde. La seule jouissance qu’il pût trouver dans son impiété, était une jouissance d’orgueil. Sa raison, disait-il, n’admettait que ce qu’il comprenait ; et il s’imaginait, à cause de cela, avoir beaucoup plus d’esprit que ses semblables. Mais, sur ce point, il se faisait une étrange illusion ; et l’idée qu’il avait de sa supériorité, était singulièrement fausse. En effet, depuis qu’il ne croyait plus à Dieu, était-il arrivé à mieux comprendre qu’auparavant toutes les choses qui l’entouraient, même les plus ordinaires ? Quelle explication satisfaisante lui en avaient donnée les livres où il avait puisé son incrédulité ? Ces choses, il les voyait sans doute, mais concevait-il comment elles existaient, comment elles s’opéraient ? Il ne croyait plus qu’un Dieu eût fait de rien le ciel et la terre, parce qu’il ne se l’expliquait pas ; mais comprenait-il que ce ciel et cette terre eussent pu se faire elles-mêmes, ou toujours exister ? Par la même raison, il ne croyait plus que Dieu fît naître ses moissons ; mais comprenait-il que la chaleur ou l’humi-