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dité pût faire germer, grandir le grain de blé et le changer en épi ? Quand ses livres lui avaient dit : « Cela arrive par telle ou telle cause, » lui expliquaient-ils comment ces causes agissaient, comment elles avaient été primitivement mises en action ? Il avait beau faire, il lui fallait toujours arriver à un point où son intelligence ne comprenait plus. Et pour être d’accord avec lui-même, ce paysan qui ne croyait pas à Dieu, aurait dû ne pas croire non plus à l’existence de la terre, du soleil, aux mouvements de la mer, à la naissance des moissons, parce qu’en définitive, s’il voyait toutes ces choses, sa raison ne pouvait s’expliquer comment elles avaient lieu.

Ainsi, en devenant esprit-fort, cet homme n’était pas arrivé à être plus heureux dans la prospérité, moins malheureux dans l’adversité. En réalité, il n’était pas arrivé non plus à en savoir plus que ceux dont il méprisait la simplicité ; car il restait toujours environné de mystères inexplicables ; et s’il croyait moins qu’un autre, il n’avait pas la gloire de comprendre plus qu’un autre.

Bernardin de Saint-Pierre avait donc raison de lui demander en quoi son incré-