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gentleman qui n’avait rien fait qui vaille dans sa jeunesse, quoiqu’il n’eût pas encore trente ans. Il causait parfois avec beaucoup de sens ; mais, en général, il était fou des enfants, qu’il avait l’habitude d’appeler de petits hommes sans malice. J’appris qu’il n’était bruit que de son talent à leur chanter des ballades, à leur conter des histoires ; rarement il sortait sans avoir pour eux quelque chose dans sa poche, un morceau de pain d’épice, ou un sifflet d’un demi-penny. Il venait, tous les ans, passer quelques jours dans notre voisinage, où chacun lui donnait l’hospitalité.

Il se mit à table avec nous, et ma femme ne lui épargna pas son vin de groseilles. Les gais propos circulèrent ; il nous chanta de vieilles chansons ; il dit aux enfants l’histoire du Daim de Beverland, celle de la Pauvre Grizzel, les Aventures de Catskin, le Bosquet de la belle Rosemonde.

Notre coq, qui chantait toujours à onze heures, nous avertit qu’il était temps de se reposer. Mais, embarras imprévu ! il fallait coucher l’étranger, tous nos lits étaient pris, et il était trop tard pour l’envoyer à l’auberge voisine. Le petit Dick offrit sa moitié de lit, si son frère Moïse voulait le recevoir dans le sien. « Et moi, cria Bill, je donnerai ma moitié à M. Burchell, si mes sœurs veulent me prendre avec elles. — Bien mes enfants, leur dis-je l’hospitalité est le premier devoir du chrétien. La bête fauve se retire dans sa tanière, l’oiseau vole à son nid, l’homme sans appui ne peut trouver d’asile que chez son semblable. Le plus complètement étranger dans ce monde, c’est celui qui est venu le sauver : jamais il n’eut de demeure à lui, comme s’il eût voulu voir ce qui restait d’hospitalité parmi nous. » Puis, m’adressant à ma femme : « Déborah, ma chère, donnez à chacun de ces enfants un morceau de sucre, et que celui de Dick soit le plus gros, parce qu’il a parlé le premier. »

Le lendemain, de bonne heure, j’emmenai toute la famille pour