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nous y prîmes gaiement place, et ce qui manquait en esprit à la conversation, le rire le suppléa.

Notre petite habitation était située au pied d’une colline en pente douce, abritée par un bois magnifique : devant, murmurait un ruisseau ; sur l’un des bords, une prairie ; sur l’autre, une pelouse. La ferme consistait en vingt acres, à peu près, d’excellente terre, pour lesquels j’avais donné à mon prédécesseur un pot-de-vin de cent livres sterling. Rien de plus propre que mon petit enclos : les ormes, les haies vives formaient un coup d’œil d’une beauté dont rien ne peut donner l’idée. Ma maison, à un seul étage, était couverte en chaume ; ce qui lui donnait un air de calme et de recueillement. Les murailles, à l’intérieur, avaient reçu une couche d’une blancheur éclatante ; mes filles se chargèrent de les décorer de tableaux de leur composition. La même pièce nous servait de salon et de cuisine : elle n’en était que plus chaude. D’ailleurs, comme on la tenait toujours avec la dernière propreté, comme les plats, les assiettes, les cuivres, bien écurés, étaient disposés en brillantes rangées sur des tablettes, l’œil s’y reposait agréablement, et ne demandait pas un ameublement plus riche. Il y avait trois autres chambres ; une pour ma femme et moi, une seconde pour mes deux filles, sous notre clef, la troisième, à deux lits, pour le reste des enfants.

Voici comment était réglée la petite république à laquelle je donnais des lois. Au lever du soleil, nous nous réunissions tous dans la pièce commune, où le feu avait été d’avance allumé par la servante. Après nous être mutuellement embrassés, avec le cérémonial convenable (car j’ai toujours cru devoir conserver quelques formes, toutes machinales, de politesse, sans lesquelles le laisser-aller finit par détruire l’affection), nous nous mettions tous à genoux pour remercier l’être qui nous accordait encore un jour.

Ce devoir rempli, mon fils et moi nous allions reprendre nos tra-