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répliqua Sophie, qu’on entendait à peine, renoncez à ce projet ; ne faites pas mon malheur ! — Vit-on jamais entêtement pareil ! Refuser un homme auquel votre famille a tant d’obligations, qui a sauvé votre sœur, qui vous donne cinq cents livres sterling ! Comment ! ne pas vouloir de lui !… — Non, monsieur, répondit-elle d’une voix irritée, je mourrai plutôt ! — En ce cas, si vous ne voulez point être à lui, il faut, je le vois bien, que vous soyez à moi ! » Puis, la pressant dans ses bras : « Ô la plus aimable, la meilleure des filles, avez-vous pu croire jamais que votre bon Burchell fût capable de vous tromper, ou que sir William Thornhill dût cesser jamais d’apprécier une amie qui ne l’a aimé que pour lui-même ? J’ai, pendant quelques années, cherché une femme qui, sans tenir compte de ma fortune, pût me trouver quelque mérite comme homme. Après avoir vainement cherché, même parmi les sottes et les laides, combien doit me sembler douce la conquête de tant de sens et de céleste beauté ! » S’adressant alors à Jenkinson : « Impossible, mon cher, de rompre avec cette jeune personne ; car elle a pris un caprice pour ma figure. Tout ce que je puis faire, c’est de vous donner la dot que je lui destinais. Vous pouvez, demain, vous faire compter par mon intendant cinq cents livres. »

Nos compliments recommencèrent de plus belle, et, à la ronde, ce fut pour lady Thornhill même cérémonie que pour sa sœur. Au même instant, le valet de chambre de sir William nous annonça que les équipages étaient là pour nous conduire à l’hôtel, où tout avait été disposé pour nous recevoir. Ma femme et moi, nous ouvrîmes la marche, et nous quittâmes ce sombre asile de la douleur. Le généreux baronnet donna l’ordre de distribuer aux détenus quarante livres sterling. M. Wilmot, entraîné par l’exemple, en donna vingt. Nous fûmes accueillis, à la porte de la prison, par les villageois. Dans la foule j’aperçus deux ou trois de mes bons paroissiens ; je leur serrai affectueusement la main, et ils nous accompagnèrent jusqu’à notre hôtel,