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jeunesse, le rendait propre à écrire sur une multitude de matières, sans recommencer de longues et fatigantes études. Tantôt il composait des pages d’histoire naturelle, auxquelles, suivant l’expression de Johnson, il donnait le charme des contes persans ; tantôt il entreprenait un Dictionnaire universel des sciences et des arts, qu’il était seul capable d’entreprendre, mais qui ne trouva pas de souscripteurs, parce que son exécution parut impossible. Ce qu’il y avait de plus sûr dans ses moyens d’exister au jour le jour se fondait sur le produit des prospectus et des préfaces qu’on lui demandait de toutes parts, non pas en considération de son talent, qui ne pouvait guère se développer dans ce misérable métier, mais parce qu’il était pauvre, et que le travail du pauvre est à bon marché. L’estime publique, si propice aux importants et aux sots, suit rarement, dans ses humbles labeurs, l’infortuné qui écrit pour vivre ; et il y a dans le cœur des parvenus de la littérature, si cette espèce a un cœur, un penchant inexorable à dénigrer le mérite qui n’a pas conquis la fortune. On reprochait à Goldsmith de n’avoir donné que des espérances, et de ne plus faire de livres, comme si on pouvait amasser patiemment, pendant des années assidues, les éléments d’un livre durable, quand on n’a pas de pain pour une semaine. L’auteur du Vicaire de Wakefield, du Village abandonné, du Voyageur, de tant d’autres pages inimitables, qu’on renfermerait dans deux petits volumes, content de ce qu’il avait fait pour sa gloire, et on le serait à moins, avait, pour ainsi dire, immolé son génie aux autels de la nécessité. Incapable de se mêler à des intrigues honteuses, et d’acheter de son honneur une