tez-moi de vous le dire, monsieur ; c’est un trésor que je vous donne. On vante sa beauté, on a raison ; mais ce n’est pas de sa beauté que je parle ; le trésor !… c’est son âme !
— Je le suppose, répondit M. Burchell, vous connaissez ma position ; vous savez que je ne puis lui donner l’existence qu’elle mérite…
— Si votre objection est un moyen d’éluder mon offre, je la retire. Mais je ne connais pas d’homme qui la mérite mieux que vous. Si je pouvais la donner à mille époux, et que j’eusse à choisir entre mille soupirants ; eh bien ! mon brave et honnête Burchell serait toujours l’homme de mon choix ! »
À tout cela pas de réponse ; … c’était pour moi un refus humiliant. Sans autre explication, M. Burchell demanda à l’auberge voisine si on ne pourrait pas nous procurer quelques rafraîchissements, et, sur l’affirmative : « Qu’on nous apporte, dit-il, le meilleur dîner qu’on pourra nous servir en si peu de temps. » Il y fit joindre une douzaine de bouteilles du meilleur vin et quelques liqueurs fortifiantes pour moi, « Petite débauche ! ajouta-t-il en souriant, mais seulement pour une fois. » Et il assura que, bien qu’en prison, il ne s’était jamais senti plus de disposition à la gaieté. Le garçon de l’auberge parut bientôt avec tout ce qu’il fallait pour dîner ; le geôlier nous prêta une table ; il paraissait plus attentif que de coutume. Le vin fut rangé en ordre, et l’on servit deux plats fort bien préparés.
Sophie ne savait rien encore de l’affreuse situation de son pauvre frère, et pas un de nous ne voulait troubler sa joie par ce triste récit. Mais en vain je cherchais à montrer de la gaieté ; le souvenir de mon malheureux George se fit jour à travers tous mes efforts pour dissimuler, et force me fut à la fin d’attrister notre petite fête du récit de ses infortunes. Je priai qu’on lui permît de partager avec nous ce court moment de plaisir. Mes révélations avaient consterné tous nos convives. Dès qu’ils se furent un peu remis, je demandai encore l’admis-