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quai mon projet à Jenkinson qui, après en avoir ri de bon cœur, en fit part aux détenus. Cette nouvelle fut accueillie par des trépignements de joie ; car elle promettait un nouveau fonds de divertissement à des hommes qui n’avaient pas d’autre moyen de plaisir que le ridicule et la débauche.

Je leur lus, à haute voix, sans affectation, une partie du service divin, et ce début mit en belle humeur tout mon auditoire. D’obscènes chuchotements, des grognements de contrition burlesques, les roulements d’yeux, les quintes de toux provoquèrent tour à tour un rire général. Je continuai avec ma solennité habituelle, convaincu que ce que je faisais pouvait en amender quelques-uns, sans pouvoir recevoir des autres aucune souillure.

Ma lecture finie, je commençai mon exhortation, cherchant d’abord plutôt à les amuser qu’à les gourmander. Avant tout, je leur rappelai que leur intérêt seul me faisait prendre la parole ; que j’étais un détenu comme eux ; que, pour le moment, mes prédications ne devaient rien me rapporter. « Vos blasphèmes, leur dis-je, me désolent parce que vous n’y gagnez rien, et que vous pouvez y perdre beaucoup. Soyez-en sûrs, mes amis (car vous êtes mes amis, à moi, bien que le monde repousse votre amitié), vous avez beau jurer vingt mille fois par jour, vos serments ne mettent pas un sou dans votre bourse ; et dès lors, que signifient ces éternelles invocations au diable ? À quoi bon tant de frais pour son amitié, quand vous le voyez si ladre pour vous. Bouche pleine de serments et ventre vide !… voilà, vous le savez bien, tout ce qu’il vous a donné ici, et, par tout ce que je sais de lui, plus tard, il ne vous donnera rien qui vaille !

« Quand nous avons à nous plaindre de nos relations avec un homme, tout naturellement nous allons ailleurs. N’est-ce donc pas la peine d’essayer comment vous vous trouveriez d’un autre maître qui, du moins, vous promet beaucoup si vous venez à lui ? À coup sûr,