Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ami ; quant aux cent livres sterling à payer, si vous ne les avez pas, je vais vous en faire l’avance, et vous me les rembourserez tout à votre aise. » Que de bontés !… Les paroles nous manquaient pour exprimer ce que nous sentions ; je m’empressai de souscrire une obligation de cent livres, et je protestai de ma reconnaissance comme si j’avais l’intention de ne jamais payer.

George devait, le lendemain, se rendre à Londres, pour s’assurer de son brevet ; c’était l’avis de son généreux patron, qui regardait comme indispensable de ne pas perdre un moment, de peur que, dans l’intervalle, un concurrent ne fît des offres plus avantageuses. Le lendemain donc, notre jeune officier fut prêt de bonne heure ; il semblait le seul d’entre nous que ce départ n’affectât point. Les fatigues et les périls qu’il allait braver, ses amis, sa maîtresse (car miss Wilmot l’aimait réellement) dont il allait se séparer, rien ne l’ébranla. Quand il eut pris congé du reste de la compagnie, je lui donnai tout ce que je possédais, ma bénédiction. « Allons, mon enfant, lui dis-je, tu vas combattre pour ton pays ; souviens-toi que ton brave aïeul a combattu pour la personne sacrée de son roi, quand la fidélité au prince était une vertu chez les Anglais. Va, mon enfant, imite-le en tout, excepté dans ses malheurs, si ce fut un malheur que de mourir avec lord Falkland. Va, mon enfant ; et si tu succombes loin de ton pays, si ton corps abandonné n’est point baigné des larmes de tout ce qui t’aime, oh ! les plus précieuses larmes sont celles que le ciel envoie, avec la rosée, sur la tête sans sépulture du soldat. »

Le lendemain matin, je pris congé de l’excellente famille qui avait eu la complaisance de m’héberger si longtemps ; j’y ajoutai quelques expressions de reconnaissance envers M. Thornhill pour son dernier acte de générosité. Je les laissai savourant ce bonheur que donnent l’abondance et la bonne éducation, et je repris le chemin de ma demeure, désespérant de jamais revoir ma fille, et envoyant au