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COMÉDIE.

Artur.

Vous ne savez ce que vous dites.

Paméla.

Souffrez, du moins, que je m’explique.

Bonfil.

Je n’ai rien à entendre d’une perfide.

Paméla.

En quoi vous ai-je manqué, Monsieur ?

Bonfil.

Ce nouvel entretien prouve la perversité de vos intentions.

Paméla.

Cet écrit vous fera connaître… (Elle lui donne le billet d’Artur.)

Bonfil (le prend et le déchire.)

Je ne veux point lire d’autres billets ; j’en ai vu un cela me suffit[1]. Puissé-je n’avoir rien lu ! Puissé-je ne vous avoir jamais connue !

Paméla.

Pardon : mais c’est une cruauté que de me parler ainsi.

Artur.

C’est un procédé dépourvu de raison.

Bonfil.

Eh ! quoi ! c’est sans raison que je me livre à mon courroux, quand je vous trouve, pour la seconde fois, seuls dans cet appartement, et dans un entretien suspect ?

  1. On a tout lieu d’être surpris que Paméla ne demande point ici à Bonfil quel est ce billet, et de quoi il veut lui parler ; qu’elle ne soupçonne pas même qu’il est possible que ce soit la lettre adressée à mylord Artur. Il est vrai qu’un mot d’explication terminait tout, et que la pièce était finie. Mais est-ce un motif suffisant pour excuser d’un côté, la conduite de Bonfil qui, bien loin de chercher à s’éclairer, en élude au contraire toutes les occasions, et celle de Paméla, qui ne cherche pas même à deviner sur quoi peuvent être fondés les soupçons de son mari ? Peut-être nous dira-t-on que Zaïre n’aurait qu’un mot à dire aussi pour détromper Orosmane, et que ce mot, elle ne le dit point. Mais la situation est bien différente : Zaïre est liée par un serment : Zaïre a promis à son père expirant de ne point révéler le secret de sa naissance ; et c’est précisément parce qu’elle doit obéir à quelque prix que ce soit, c’est parce qu’elle est déchirée entre son père et son amant, que Zaïre est si intéressante et si théâtrale.