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COMÉDIE.

me flatter que la connaissance du sang qui lui a donné le jour, devait être pour elle une nouvelle obligation de cultiver les maximes de l’honneur et de la bienséance. Mais je puis craindre aussi qu’elle ait perdu cette soumission que lui inspirait nécessairement la bassesse prétendue de son origine : que la certitude de ce qu’elle est l’éblouisse au point de triompher des remords même, et d’étouffer dans son cœur les sentimens de la reconnaissance due à mes bienfaits. Ces tristes raisonnemens ne sont, hélas ! que trop fondés mais cette même raison qui dessille aujourd’hui mes yeux, saura fortifier mon courage. J’ai chéri Paméla, parce qu’elle m’a paru digne de mon amour : je saurai la haïr, puisqu’elle le mérite. J’étais tout prêt à l’épouser, dans le temps même où elle n’était encore à mes yeux qu’une simple servante j’aurai le courage de la répudier, malgré sa qualité bien reconnue. Oui, la vraie, la bonne philosophie m’apprend que celui-là n’est pas un homme, qui ne sait point triompher de ses passions, et qu’il y a un égal mérite à aimer la vertu, et à détester le crime.

(Il sort.)

Scène IV.

Myladi PAMÉLA, Mme JEFFRE.
Mme Jeffre.


Il n’y a qu’un moment que Monsieur était là : il est impossible qu’il soit bien loin. Attendez, je vais le chercher.

Paméla.

Non, non, demeurez. Vous le devriez connaître mieux que moi : malheur à qui l’importune inutilement. Je désire de le voir et de lui parler ; mais je veux attendre, pour cela, un moment favorable.