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COMÉDIE.

Bonfil.

Fort bien, pourvu qu’il n’y ait point de tête-à-tête.

Mme Jeffre.

Oh ! que dites-vous ? Pour cela, par exemple, il n’y a pas de danger.

Bonfil.

Elle ne s’est jamais trouvée tête-à-tête avec quelqu’un ?

Mme Jeffre.

Non certainement. (À part.) Si je lui parle de mylord Artur, il est homme à en concevoir de l’ombrage[1].

Bonfil.

Vous êtes bien sûre de ce que vous dites-là ?

Mme Jeffre.

Très-sûre, Monsieur, très-sûre.

Bonfil.

Jeffre, ne commencez point à me débiter des mensonges.

Mme Jeffre.

Moi ! je ne dirais pas une fausseté pour tout l’or du monde.

Bonfil.

Ainsi vous ignorez qu’Artur est resté assez long-temps tête-à-tête avec mon épouse ?

Mme Jeffre (à part.)

Maudits espions ! ils lui ont déjà tout dit.

Bonfil.

Répondez-moi : vous l’ignorez donc ?

Mme Jeffre.

Je suis en vérité bien surprise que l’on vous dise de telles choses, et que vous les croyez.

  1. Ce petit artifice de Jeffre est-il bien réfléchi ? Le motif qui le lui suggère est très-respectable, sans doute ; mais n’est-il pas vraisemblable qu’il doit produire un effet bien different de ce qu’elle s’était proposé ? N’est-ce pas précisément parce qu’elle connaît la penchant de Mylord à la jalousie, qu’elle doit craindre que s’il découvre la vérité, ce qui est aussi facile que probable, le mystère qu’on lui en a fait n’ajoute à ses soupçons et ne rende Paméla infiniment malheureuse !