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Comédie.

déterminé sur la disposition du cœur qui a reçu sa portion. Aussi l’un ne se contente pas de la moitié, tandis qu’un autre se trouve satisfait de beaucoup moins.

Le Comte.

Est-ce là penser en homme ?

Le Chevalier (au Comte.)

Je ne vous parle point.

Donna Eugénie (au Chevalier.)

Ce serait donc en vain qu’une femme vous accorderait l’entière possession de son cœur ?

Le Chevalier.

Je ne ferais certes pas la folie de le refuser ; j’en ferais même le cas que mérite un semblable don ; mais la difficulté d’arriver au tout, fait que je me contente de peu.

Donna Eugénie.

Cette difficulté ne me semble pas raisonnable.

Le Chevalier.

Je la fonde sur l’expérience. Je me suis flatté plus d’une fois d’un pouvoir absolu dans l’empire de la Beauté ; mais les monarchies ne durent point en amour, et je me borne au rôle de Républicain.

Le Comte.

Le cœur de donna Eugénie ne doit point se comparer aux autres.

Le Chevalier.

J’ai l’honneur de connaître Madame autant que vous.

Le Comte.

S’il en était ainsi, vous tiendriez un autre langage.

Le Chevalier (au Comte.)

Je la connais, vous dis-je. (À Eugénie.) Je serais au désespoir, Madame, que vous donnassiez à mes sentimens le sens défavorable qu’il plaît à Monsieur de leur prêter, et que vous me privassiez de la portion de vos bonnes grâces que j’ose me flatter de posséder. Un mot cependant d’explication, s’il vous plaît.