Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome II, 1801.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
385
Comédie.

Isabelle.

Quoi ! seule dans cette chambre ? j’y mourrai de peur.

Moliere.

MOLIER E. La nuit s’avance. La Forêt, d’ailleurs, y sera avec vous. Ô mon Isabelle ! soyez aussi prudente que vous êtes honnête. Voici la lumière, j’ouvre : suivez-moi.

Isabelle.

C’est bien malgré moi que j’irai.

Moliere (ouvre et aperçoit Pirlon.)

Ah ! traître ! que vois-je ?


Scène III.

Les Mêmes, PIRLON.
Pirlon.


Je tombe à vos genoux : ainsi le veut le sort qui m’humilie. Accablez-moi de vos mépris, donnez-moi la mort. Ce n’est point une lâche terreur, c’est le repentir, c’est le remords, c’est la honte qui me jettent à vos pieds. Dans cette retraite obscure, le Ciel a daigné m’envoyer un rayon de lumière : mon danger m’a ouvert les yeux sur ma conduite ; et tout un peuple, justement irrité contre Pirlon, me prouve combien je suis indigne de la confiance d’autrui. J’ai redouté la mordante énergie de vos vers, et j’ai fait mon possible pour dérober au monde le portrait d’un monstre, qui, dans le fond, ne me ressemble que trop. Confus de mes erreurs, je déteste l’usure honteuse que j’ai exercée ; je renonce au rôle coupable d’hypocrite. Je me fais connaître aujourd’hui à vous et à la société pour ce que je suis en effet, et je vous demande pardon, ô Moliere ! des vils ressorts que j’ai fait jouer pour vous perdre.