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Comédie.

Moliere.

Comment le pourrait-on ? Ces titres sacrés ne sont pas encore les nôtres.

Isabelle.

Ils le seront avant que je sorte d’ici. C’est mon amour pour vous, c’est la crainte de vous perdre qui m’ont fait faire ce pas hardi. Vous connaissez ma faute ; vous voyez son motif : c’est à vous de sauver ma réputation. Donnez-moi votre main et, fière d’un pareil titre, je dirai : qu’avez-vous à m’objecter ? Moliere est mon époux.

Moliere.

Événement inattendu ! ma chère Isabelle, je m’engage à tout réparer demain. Retournez d’où vous venez et n’apprêtez point à rire à nos dépens.

Isabelle.

Ah ! trop funeste erreur ! non, cruel, vous ne m’aimez pas. Ma mère, sans doute, est parvenue, à force d’artifice et de séduction, à m’enlever votre cœur et à m’attirer ces mépris. Mais apprenez, barbare que si vous me trahissez, je puis ajouter au sacrifice de mon cœur, celui de ma vie. Je ne puis, je ne veux plus retourner auprès de ma mère : j’ai perdu la paix de mon ame, compromis mon honneur… le monde en saura la cause ; et j’irai où mon désespoir me conduira.

Moliere.

Isabelle ! oh ! dieu !

Isabelle.

Ah ! vous me donnez la mort !

Moliere.

Calmez-vous ; vous serez mon épouse.

Isabelle.

En prenant ce titre aujourd’hui, je vous apporte l’honneur pour dot ; demain, la honte, si mes folles