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COMÉDIE.

motif quelconque c’est ce qu’il faut approfondir, avant d’aller plus loin, Restez ici pour quelques heures seulement, et faites-moi le plaisir de ne point franchir ma porte, avant que je vous le dise.

Ernold.

Volontiers : j’enverrai cependant mon laquais prendre mes pistolets ; et si Artur se refuse à la satisfaction que j’ai droit d’en attendre je lui ferai sauter la cervelle. Morbleu ! j’ai voyagé, moi ! je ne souffrirai jamais une insulte et je sais comme il faut se conduire par-tout. (Il sort.)


Scène VII[1].

Mylord BONFIL, ensuite ISAC.
Bonfil.


Mylord Artur tête à tête avec mon épouse ! Eh bien ! quel mal y a-t-il à cela ? Ne peut-il pas… ? Mais pourquoi refuser, pendant leur entretien, de recevoir une autre visite ? J’en vois la raison : Paméla ne peut pas souffrir Ernold. Piqué de se voir mal accueilli,

  1. Artur me trahirait ! et Paméla que j’aime,
    Paméla qui doit tout à mon amour extrême,
    Paméla ! non, jamais : je rougis d’y penser.
    À ces honteux soupçons, ah ! c’est trop m’abaisser.
    Oui, c’est trop outrager la vertu la plus pure.
    Cet entretien secret… Eh ! qu’en dois-je conclure,
    Qui puisse armer mon cœur d’un soupçon odieux ?
    Mais pourquoi cependant éviter tous les yeux,
    Interdire sa porte, affecter le mystère,
    Congédier Ernold !… Son ton, son caractère,
    Répugnent trop aux mœurs, aux goûts de Paméla,
    Pour qu’elle puisse aimer son entretien : voilà,
    Voilà pourquoi, sans doute, elle a fui sa présence.
    Piqué de cet affront, et plein de sa vengeance,
    Il voudrait la noircir auprès de son époux……
    Le piège est trop grossier ; je ne suis point jaloux.
    Mylord est mon ami, Mylord n’est point capable…
    Mais il est homme enfin ! Cette épouse adorable
    A pu, sans le savoir, allumer dans son cœur
    Ces redoutables feux, dont j’éprouve l’ardeur.
    Sans doute il est aisé de s’en laisser surprendre.
    Le charme de la voir, le plaisir de l’entendre…
    Que dis-je ! Sa beauté, ses charmes ravissans
    Ce coup-d’œil enchanteur qui trouble tous mes sens,
    Sont les moindres trésors que je chérisse en elle.
    J’admire ses vertus, et cette ame si belle.
    Si pure, où le soupçon craindrait de s’arrêter !
    Qui l’injustice encor veut la persécuter.
    Mais je saurai peut-être, au gré de mon envie,
    Découvrir, déjouer, punir la calomnie.

    (Il sort.)
    Fin du premier Acte.

    Sans doute il est aisé de s’en laisser troubler !

    (Zaïre.)

    La comédie française, dans son examen, releva plusieurs imitations trop sensibles de vers connus, et avertit avec raison l’auteur de Paméla de se méfier d’une mémoire qui paraît le trahir quelquefois.