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Comédie.

Scène X.

Les Mêmes, LA BÉJART, ISABELLE (en habits de théâtre.)
La Béjart.


Moliere, je jouerai ce soir, ma fille jouera, parce que je ne veux faire ni votre malheur ni le nôtre : mais que je surprenne un regard seulement entre vous, et je vous donne ma parole que la comédie finira par une scène vraiment tragique.

Moliere (avec le ton et l’accent de Tartufe.)

Madame, puisque le Ciel vous a découvert en moi un malheureux pécheur, je vous demande mille fois pardon de la faute amoureuse dont je me reconnais coupable. Oui ; j’aurai un voile devant les yeux, pour ne point voir mademoiselle votre fille… accablez-moi de votre haine, et que le Ciel me punisse, si je manque à ma parole !

La Béjart.

Jouez-vous la comédie avec moi ? vous moquez-vous de moi, s’il vous plaît ?

Moliere (de même.)

Au nom du Ciel, Madame, calmez ce courroux.

Valere (à part.)

Il me fait rire malgré moi.

La Béjart.

Voilà donc cet amour de père que vous aviez ; disiez-vous, pour Isabelle ?

Moliere (de même.)

Ah ! la honte m’accable.