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Comédie.

homme. Savez-vous bien que vous jouez la comédie comme un ange ! Vous n’avez aucun des défauts de Moliere[1].

Valere.

Oui ; il y a entre nous une petite différence : je suis un comédien médiocre ; et Moliere un homme très-instruit, un auteur accompli.

Le Comte.

Moliere instruit ! Moliere un auteur accompli ! voilà ce qui s’appelle une lourde bévue, mon cher Valere. Tout son mérite est de charger des caractères déjà forcés ; et en général, la nature ne se montre nulle part dans les ouvrages de Moliere.

Valere.

Il connaît les lois de la perspective ; et il faudrait faire réflexion que les miniatures ne font point d’effet au théâtre.

Le Comte.

Quel diable de sujet trivial et indécent ! quel titre immoral ! Le Cocu imaginaire !

Valere.

Eh ! Monsieur ! ceux qui ne sont qu’imaginairement dans ce cas là devraient se consoler. Mais la réalité l’emporte malheureusement ici sur la fiction.

Le Comte.

L’École des femmes n’a pas le moindre sel.

Valere.

Elle n’a pas réussi, j’en conviens. Mais cela ne prouve pas grand chose.

Le Comte.

Peut-on dire une plus grande platitude que : Tarte à la crème ?

  1. Ce grand homme ne fut jamais qu’un acteur assez médiocre : débarrassé du soin de sa troupe, il nous eût donné peut-être vingt chef-d’œuvres de plus. Quelle perte irréparable ; que celle du temps de Moliere ! (M. Palissot.)