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Comédie.

donnez-lui à entendre que vous savez quelque chose, et que Moliere aille faire tout seul son vil métier de Bouffon.

La Béjart.

Ah ! je vous réponds bien que ni moi ni ma fille ne paraîtrons ce soir sur le théâtre. Je rends grâce au Ciel et à vous de cet avis charitable ! Ainsi le monstre me trahit et m’assassine à ce point !

Pirlon.

Je vous laisse ; car si Moliere entrait, cette louable démarche ne serait à ses yeux qu’un trait d’hypocrisie. S’il apprend même que je suis venu vous dévoiler ce noir complot, Dieu sait quel torrent d’injures sa bouche va vomir contre moi ! et cependant, j’en atteste le Ciel ! c’est le zèle pur, c’est la charité seule qui m’amènent ici. Qu’il en soit de ma réputation ce que le sort jugera à propos ; je braverais la mort pour rendre service à mon prochain. (Il sort.)


Scène V.

LA BÉJART, ensuite LA FORÊT.
La Béjart.


Ah ! perfide Moliere ! ah ! pendarde de fille ! La Forêt ?

La Forêt.

Madame.

La Béjart.

Faites-moi venir un peu Isabelle. (La Forêt sort.) Je m’étais aperçue déjà de l’amour qu’il avait pour elle : j’étais loin de penser cependant que les choses en fussent-la. Il affecte de la jalousie auprès de moi, daigne m’honorer de son badinage, et tout cela n’est qu’un piége tendu à ma crédulité ! Oh ! vil séducteur !