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Comédie.

La Forêt.

Je souffrirais de tout cela, Monsieur ? Je suis sa servante, soit ; mais d’ailleurs innocente.

Pirlon.

Il n’y a guère de sureté à servir un coupable.

La Forêt.

Mais vous m’inspirez des frayeurs extraordinaires. J’en suis fâchée cependant, car Monsieur me donnait de bons gages.

Pirlon.

Rassurez-vous, mon enfant : le Ciel aime les bonnes ames ; et si vous sortez d’ici, je me charge, moi, de vous trouver un maître.

La Forêt.

Moliere me donne deux écus par mois.

Pirlon.

Eh bien ! vous aurez deux écus.

La Forêt.

Je suis bien nourrie.

Pirlon.

Rien de plus juste, vous le serez de même.

La Forêt.

Mais ce maître, quel est-il ? Je voudrais le connaître.

Pirlon.

Écoutez ; je vais vous le dire en confidence : c’est moi. Je suis seul, absolument seul chez moi ; point de surveillante à redouter. Avec le temps, vous y serez plus maîtresse que servante. Je vous donnerai les clefs du pain, du vin, de l’argent même, et vous vivrez, du moins, avec moi plus honorablement. Quel sort pour vous, que de servir des gens de théâtre, des partisans de la mollesse, des victimes d’une misère inévitable. Avec moi du moins vous pourrez dire : me voilà au service d’un bon négociant, riche d’honneur, de réputation, et sur-tout d’argent comptant.