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Comédie.

Moliere.

Eh ! Madame, laissons cela.

La Béjart.

Je ne manque pas de talens dans ma profession.

Moliere.

Je le sais, et je suis des premiers à vous rendre justice.

La Béjart.

C’est la meilleure dot qu’une femme puisse apporter à un comédien.

Moliere.

La dot serait, à tous égards, bien au-dessus de ce que je mérite.

La Béjart.

Pourquoi donc alors ne pas dire oui tout bonnement ?

Moliere.

C’est qu’à dire vrai, Madame, le mariage m’effraye un peu.

La Béjart.

Parce que ?

Moliere.

Parce que je suis jaloux, mais jaloux jusqu’à la folie.

La Béjart.

Je ne vous crois pas capable d’une telle sottise. Au surplus, si vous voulez nourrir ce serpent affreux dans votre sein une femme qui n’est plus de la première jeunesse, vous donnera moins de sujets d’alarmes.

Moliere.

Madame ! plus on vit, et plus l’on apprend à vivre : l’âge rend une femme plus adroite, mais non pas plus sage.

La Béjart.

Ah ! Moliere ! je ne vous reconnais pas à ce discours.