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Comédie.

Isabelle.

Si vous m’aimez en effet, pourquoi me laisser dans l’inquiétude ? Que ne me donnez-vous ce que l’on appelle l’anneau conjugal ?

Moliere.

Peste si votre mère venait à s’en apercevoir tout serait bientôt en combustion ici : elle est femme à nous tuer. Elle ne veut pas entendre parler…

Isabelle.

Oui, oui, elle ne veut pas entendre parler… Je sais tout.

Moliere.

Que voulez-vous dire ?

Isabelle.

Que ma discrète maman n’est pas sans prétention sur le cœur de Moliere ; et que voilà pourquoi la plaintive Isabelle est malheureuse aujourd’hui, et sera bientôt livrée au mépris, et peut-être à l’abandon !

Moliere.

Votre mère peut porter ailleurs ses prétentions : me croyez-vous capable de balancer entre elle et vous[1] ?

Isabelle.

Entre elle et moi ! Ma mère est une femme ainsi que moi.

Moliere.

Ah ! méchante ! Ah ! petits yeux fripons ! Dès le berceau je vous ai aimée ; je vous ai vue naître et mon œil enchanté a suivi le progrès de vos charmes.

  1. Mot à mot : Je serais bien fou de quitter la génisse pour la vache. Nous espérons qu’on nous pardonnera aisément la légère infidélité que nous faisons ici à notre auteur. Il y a en général dans toutes les langues des façons de parler proverbiales, qui n’ont de sel ou de grâce que dans ces mêmes langues. Mais nous doutons que celle-ci puisse réussir nulle part auprès de la bonne compagnie. Le Moliere italien était, comme le nôtre, forcé de mettre quelquefois le parterre dans ses intérêts : plaignons-le ; mais ne traduisons pas de mauvaises plaisanteries.