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Préface.

sentit lui-même tout ce qu’il y avait d’exagéré dans un éloge dont il eût été indigne, par cela seul qu’il aurait cru le mériter. Il connaissait et calculait mieux que personne l’intervalle immense qui le séparait encore du poëte Français : et lorsque l’enthousiasme de ses concitoyens lui prodiguait le nom de Moliere, il répondait avec une modestie qui était dans son cœur comme dans ses paroles : il n’y a qu’un Moliere au monde, et il appartient à la France.

Voilà le vrai mérite. Il parle avec candeur ;
L’envie est à ses pieds ; la paix est dans son cœur.

(Volt. Disc sur l’Envie.)

Cette admiration était vraie, parce qu’elle était éclairée, et elle excitait en lui une émulation louable, sans y nourrir le ridicule espoir d’atteindre jamais son modèle. C’est dans Moliere que Goldoni étudiait son art et il ne taisait ni les obligations qu’il lui avait, ni le culte assidu dont il honorait son génie : son éloge était sans cesse dans sa bouche ; et c’était toujours avec l’expression du respect qu’il prononçait son nom. Enfin, il voulut rendre à celui qu’il appelait son père et son maître, un témoignage public de sa reconnaissance et de son attachement. Il conçut donc le projet de présenter, sur la scène, à l’admiration de ses compatriotes ce même homme dont la réputation leur était parvenue