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COMÉDIE.

pour porter à son comble l’intérêt qu’il a dû exciter dans le cours de la pièce. Quelque touchante, quelque noble que soit la manière dont Paméla se justifie nous doutons qu’elle fût entendue avec intérêt dans cette circonstance, parce qu’il est impossible de voir ce qui l’a empêchée de dire plutôt tout ce qu’elle dit ici. Mais elle ignorait que Bonfil eût surpris sa lettre. Mais elle a revu depuis mylord Artur : comment ne lui a-t-elle pas demandé s’il avait reçu un billet qu’elle regarde elle-même comme si important ? Comment n’a-t-elle pas même demandé à Isac s’il s’était acquitté de sa commission ? On sent qu’il est difficile de justifier de pareilles invraisemblances. Des spectateurs français ne les pardonneraient point, et renverraient l’auteur à ce vers si connu :

L’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit pas.

(Art poétique.)

Nous avons actuellement sous les yeux le jugement que le comité de lecture de la comédie française porta, dans deux circonstances différentes, de la pièce française dont nous avons donné l’extrait. Comme, à l’exception du dénouement et de quelques scènes de détail, l’auteur a suivi le plan et employé les ressorts de Goldoni, le comité, tout en rendant une justice encourageante au style de l’ouvrage, relève toutes les invraisemblances dont nous avons parlé, et conclut qu’il serait impossible de jouer la pièce, sans lui faire subir de grandes corrections. Il eût été à souhaiter qu’en montrant le mal, le comité eût en même temps indiqué le remède. Qui peut donner à de jeunes auteurs des conseils plus précieux que des artistes familiarisés avec tous les chefs-d’œuvres de la scène, et qui, par la manière dont-ils les rendent, font découvrir chaque jour en eux de nouvelles beautés ?