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COMÉDIE.

lerait avec transport celui qui viendrait mettre par là le comble à ma félicité. La seule faute que j’aie commise en ceci, c’est d’avoir écrit cette lettre, sans la communiquer à mon époux. Voilà la source de ses soupçons ; voilà ce qui fournit des alimens à la calomnie ; et le concours malheureux des circonstances m’a fait paraître coupable un moment. Je ne reconnais que cette seule faute, je m’en repens, et j’en demande humblement pardon à mon époux. Ah ! que cette belle ame ne me croie pas indigne de sa tendresse ; qu’il ne fasse pas ce cruel affront à l’inaltérable pureté de la foi que je lui ai jurée, et que je lui conserverai toute ma vie. Si je suis indigne de son amour, qu’il me le retire au gré de son envie ; qu’il me prive même de la vie, mais non du titre chéri de son épouse. Ce titre qui m’honore est ineffaçable dans mon cœur, et ma conduite ne fera jamais rougir Mylord de me l’avoir accordé. Le Ciel me promet son appui, les Tribunaux m’assurent de leur justice ; ah ! que mon cher époux me rende son premier amour me pardonne généreusement, et déploie pour moi sa bonté.

Bonfil (hors de lui, se couvre le visage de ses mains, et montre la plus grande agitation.)
Ernold (à part.)

Voilà une péroraison qui mérite une place dans mes tablettes. (Il les tire et écrit dessus.)

Myladi (à part.)

Je donnerais cent doubles, pour ne m’être pas trouvée ici.

Mme Jeffre (à part.)

S’il n’est pas convaincu à présent, il faut qu’il soit pire qu’une bête brute.

Majer (à Bonfil.)

Vous ne dites rien, Monsieur ? N’êtes-vous point encore persuadé ?

Bonfil.

Ah ! je suis hors de moi. Trop d’images à la