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COMÉDIE.

mon cher époux. On n’ignore pas non plus qu’autant la bassesse prétendue de mon origine inspirait de mépris pour moi à de certaines personnes, autant l’éclat imprévu de ma fortune a excité depuis de jalousie dans leur cœur. La haine que m’avait juré myladi Daure n’a paru assoupie un moment, que pour se ranimer avec plus de fureur encore. Le Chevalier qui avait osé insulter Paméla fille, ne s’est point fait un scrupule de persécuter Pamela mariée. J’aurais obtenu son amitié sans doute, si j’avais pu me prêter à ses mauvaises plaisanteries : mon sérieux l’a irrité, et son mauvais ton l’a naturellement amené à hasarder des soupçons. Je me trouvai en effet avec mylord Artur ; nous parlions de mon père. Sur le point de recouvrer sa liberté, cet infortuné vieillard trouve des difficultés à obtenir sa grace ; je le recommande à mylord Artur qui me promet tous les secours de l’amitié. Au moment de quitter Londres avec mon époux, j’en instruis Mylord par un billet. La voilà cette lettre qui m’accuse ; voilà le motif de mes fautes, voilà la base de tous les soupçons. J’écris à mylord Artur.

Vous savez que je laisse à Londres la plus chère partie de moi-même.

Pardonnez cher époux, s’il est un amour qui l’emporte encore dans mon cœur sur l’amour d’un époux. Mon père me donna la vie ; il est la plus chère partie de moi-même.

Votre bonté seule me console, et j’y mets toute ma confiance.

Ma confiance ne repose que dans mon époux et dans mylord Artur : si le premier vient avec moi à la campagne, le second reste à Londres pour servir les intérêts de mon père. Notre entrevue de ce matin avait pour objet cette grâce désirée, qu’il se flattait de pouvoir obtenir. Je souhaitai qu’il m’apportât cette heureuse nouvelle au comté de Lincoln, bien convaincue que la tendresse de mon époux accueil-