Mylord, me voilà ; que me commandez-vous !
Myladi, asseyez-vous. Sir Ernold, prenez place.
Et, rebelle à la voix qui s’offrait à l’instruire,
Par de lâches conseils il s’est laissé séduire.
Et vous osez encore… ! Eh bien ! détruisez donc
Cette preuve terrible… ! et bientôt ton pardon…
Quelle est-elle ?
Qu’ai-je entendu !
C’est tout ce que j’attends, c’est tout ce que je veux.
Le Ciel m’en est témoin : le plus cher de mes vœux
Serait de n’avoir cru qu’une fausse apparence.
Je te rends grâce, ô ciel ! appui de l’innocence !
Tu me rends et l’estime et le cœur d’un époux !
Connaissez votre erreur.
Vous savez l’intérêt et généreux et tendre
Qu’à votre triste sort lord Artur daignait prendre.
Votre grâce, mon père, éprouvait des délais :
Je confie à Mylord d’aussi chers intérêts ;
Sur le point de partir, je retrace à son zèle
Mes craintes, mes ennuis et ma douleur mortelle.
Sa bonté, son crédit, tout me justifiait,
Et c’est le seul motif qui dicta ce billet.
Pouvais-je présumer que le sort qui m’outrage,
Dût en faire, aujourd’hui, l’instrument de sa rage !
J’écrivais à Mylord. (Elle lit.)
Si, malgré tout l’amour qui m’enflamme pour vous,
Un autre sentiment vit encor dans mon ame :
N’en soyez point jaloux ; un père le réclame,
C’est assez ; épargnez à mes sens déchirés
Le tourment des remords qui me sont préparés.
C’est moi qui suis un monstre, un ingrat, un parjure :
L’opprobre des humains, l’effroi de la nature !
Ah ! devais-je écouter des ennemis jaloux…
Que tu dois me haïr !
Je l’aime, je le plains ; (elle lui tend la main) et voilà ma vengeance.
Eh bien moi, je m’abhorre ; et plus ton innocence
Éclate à tous les yeux et confond ma fureur,
Plus je dois me haïr, plus je me fais horreur.
Ah ! cessez, cher époux, de tenir ce langage !
Il déchire mon cœur, il m’afflige, il m’outrage
Plus cent fois que l’erreur dont je vous vois gémir.
Écartons l’un et l’autre un fâcheux souvenir :