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COMÉDIE.

Paméla (à part.)

Retirons-nous pour pleurer mes malheurs dans la solitude. (Elle va pour sortir.)

Ernold.

Arrêtez ; ne sortez point.

Paméla.

Que voulez-vous de moi ?

Ernold.

Je désire calmer vos chagrins.

Paméla.

Hélas ! cela sera difficile.

Ernold.

Me croyez-vous incapable de consoler une jolie femme ?

Paméla.

Vous le pourrez avec d’autres ; auprès de moi, je le crois impossible.

Ernold.

Et je me flatte cependant d’y parvenir. Je ne suis point un homme d’un esprit borné, et je ne ressemble point à ces gens qui n’ont qu’un chemin pour marcher. J’ai assez voyagé ; j’ai acquis beaucoup. Dans le cas où vous vous trouvez, la question n’est pas de savoir si ce que l’on vous reproche est ou n’est pas. Moins on parle de ces sortes d’affaires, et mieux on fait. Dans la supposition même que l’accusation soit fausse, le monde est malignement porté à croire ce qu’il y a de pire, et l’honneur reste toujours entaché. Je ne vous conseille point de vous opposer au projet insensé de mylord Bonfil : qui peut se résoudre à renoncer à vous, n’est plus digne de vous. Un mari vous abandonne ? songez à vous en procurer un autre. Si vous le trouvez, votre réputation ne court aucun danger.

Paméla.

Et qui s’abaisserait, selon vous, à m’épouser dans une semblable conjoncture ?