Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome II, 1801.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
COMÉDIE.

pas un ami qui la conseille, qui la console. Elle voit sa réputation en danger, tremble pour les jours de son père, et pleure la perte d’un époux : elle est convaincue de son innocence, et n’a pas les moyens de la prouver. Je ne sais, en vérité, comment elle vit, comment elle peut résister à tant de disgraces réunies. Je suis si affligée, si accablée de son état que je respire à peine ; et quand je la vois, quand j’y pense seulement, mon cœur se gonfle et je ne puis retenir mes larmes. (Elle pleure.)

Ernold.

À dire vrai, je ne suis pas maître de mon émotion, quand je vois une femme pleurer : l’attendrissement me gagne malgré moi sur le champ. (Il essuye ses yeux.) Qui le dirait ? un homme qui a tant voyagé, ne pas se montrer supérieur à cette faiblesse

Mme Jeffre (à part.)

Je ne lui crois pas un mauvais fond.

Myladi.

Paméla affligée, Paméla abandonnée conserve cependant tout son orgueil.

Mme Jeffre.

Pouvez-vous traiter Paméla d’orgueilleuse ?

Myladi.

Si elle ne l’était pas, elle viendrait du moins réclamer mon appui. Elle sait que je suis la sœur de son époux ; que ma protection lui peut devenir très-utile, et elle ne vient pas la demander.

Mme Jeffre.

La crainte d’être mal accueillie l’en empêche sans doute. Elle se rappelle peut-être les mauvais traitemens qu’elle a reçus de vous, quand elle était fille.

Ernold.

Allons, dites-lui qu’elle vienne ici. Dites-lui qu’elle ait un peu de confiance en nous. Myladi ma tante