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caractère de ma fille : elle est incapable d’en imposer, et de se trahir elle-même par un pur caprice.

Le Lieutenant.

Que le monde serait heureux, si des femmes aussi franches se rencontraient, je ne dis pas en grand nombre, mais du moins quatre ou cinq sur la centaine !

Le Comte.

Allons, monsieur le Marquis, prenons tous la route de Turin ; et nous y conclurons le mariage, comme cela était d’abord arrêté entre nous.

Le Marquis.

Allons, si toutefois mon adorable Comtesse est de notre avis.

La Comtesse.

Conduisez-moi où vous voudrez. Je suis avec mon père, avec mon cher époux, rien ne manque à ma félicité.

Le Lieutenant.

Oui, partons, Messieurs ; mais, sauf votre bon plaisir, commençons par bien dîner, et faisons honneur au vin de Montferrat.

Le Baron.

Je sens bien que je ne mérite pas d’être de la partie : je vous prie cependant de me croire votre ami, et vraiment fâché de vous avoir occasionné quelque déplaisir. Soyez sûr, monsieur le Marquis…

Le Marquis.

Ne parlons plus de cela, Monsieur ; je crois votre justification sincère ; et pour convaincre mon épouse que je ne suis ni colère sans motif, ni jaloux sans fondement, je vous prie de dîner avec nous, et de nous accompagner dans notre voyage. Voyage heureux pour moi ! heureuse auberge de la poste, et plus heureuse encore mille fois, si elle obtient les applaudissemens de nos auditeurs !

Fin de la Comédie et du Tome premier.