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un autre soi-même et comme il n’oserait faire son propre éloge, il use de la même modération en parlant de son ami. Croyez-moi, Madame : je connais également le Marquis, et je vous réponds que c’est le plus aimable, le plus charmant cavalier du monde.

Le Baron.

Monsieur le lieutenant, vous pouviez vous dispenser de prendre cette peine-là.

Le Lieutenant.

Daignez croire, Monsieur, que je ne l’ai pas prise pour vous. Je suis entré pour empêcher un duel, et pour ranimer le courage de cette belle demoiselle. Elle craint d’aller à Turin pour s’y voir sacrifier ; et je lui réponds, moi, qu’elle marche à un sacrifice, dont plus d’une demoiselle s’accommoderait volontiers. Le marquis Leonardo est bien-fait, parle bien, est honnête envers tout le monde, généreux, et possède, entre autres mérites, celui d’une franchise parfaite et invariable.

La Comtesse.

Voilà qui est à merveille. La franchise sur-tout me fait grand plaisir. Mais, dites-moi la vérité, n’est-il point colère ?

Le Lieutenant.

Non certainement.

La Comtesse.

Point jaloux ?

Le Lieutenant.

Encore moins.

La Comtesse.

Ne partage-t-il pas tout son temps entre les livres, la société et le théâtre ?

Le Lieutenant.

Il sait faire de tout un usage modéré et réglé par la sagesse.