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Le Baron.

Je n’ai donc pas l’honneur d’en être ?

Le Comte.

Tenez, monsieur le Baron parlons clairement. L’amitié que vous dites avoir pour moi, n’est pas le fruit d’un attachement vrai pour ma personne, mais de l’amour que vous inspire ma fille ; et Dieu veuille encore que vous ne soyez pas guidé plutôt par l’espoir d’obtenir une fille unique, héritière d’un père passablement riche. Quelque soit le motif qui vous conduit, il est indigne d’un galant homme qui doit respecter l’autorité d’un père, et la maison d’un gentilhomme honnête. Il est possible que la résistance qu’oppose ma fille à ce mariage, vienne innocemment d’elle-même : j’ai tout lieu de croire cependant que l’orgueil d’une enfant est excité par les promesses chimériques de l’amant qui l’approche. Béatrice est sage, elle est bien élevée ; et tout cela me confirme dans l’idée qu’elle serait incapable de me contredire, si son cœur n’était préoccupé d’une passion secrète. C’est sur vous seul que peuvent tomber mes soupçons, et j’ai craint, avec raison, que si je vous communiquais notre départ, vous n’eussiez l’adresse de l’engager à me contredire encore, et à me forcer par là d’employer la violence et la rigueur. Voilà pourquoi je vous ai caché ce voyage, et non pour manquer au respect que je vous dois, ainsi qu’à votre famille. Si ma conduite vous offense, je vous supplie de me pardonner. Excusez un père qui était engagé, et plaignez un gentilhomme qui avait donné sa parole. Un petit retour sur vous-même vous fera comprendre, mieux que tous mes discours, à quel point mes sentimens sont honnêtes.

Le Baron.

Oui, Comte : la sagesse de vos raisons me persuade, et je suis satisfait d’une justification aussi honnête. Je vous l’avouerai, j’ai de l’estime pour