Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et que ce fût lui qui vous parlât par ma bouche. Le théâtre est le meilleur, le plus utile, et le plus nécessaire de tous les délassemens. Les bonnes comédies instruisent et amusent en même temps : les tragédies nous apprennent à bien diriger nos passions. La facilité de faire des connaissances au théâtre, n’est pas l’avantage qu’y recherchent les libertins : les regards du public commandent la retenue, le respect, la décence et le bon ton. Enfin, Madame, si vous voulez avoir un mari honnête, qui vous aime, et passablement discret, je connais le Marquis : je vous assure et vous garantis qu’il est ce que je dis-là : mais si vous en désirer un qui soit grossier ou efféminé, détrompez-vous, il en est temps encore ; et soyez bien sûre que, pénétrant lui-même votre pensée, il sera le premier à vous laisser la liberté de rompre le contrat, et à ne point exiger de vous le sacrifice de votre cœur et de la paix dont il jouit.

La Comtesse.

Je l’avoue : sur la foi de vos discours, j’irai volontiers à Turin.

Le Marquis.

Êtes vous convaincue à présent du caractère du Marquis ? êtes-vous satisfaite du rapport sincère que je vous ai fait ?

La Comtesse.

Je suis persuadée, je suis contente sur-tout de ce que vous me dites, qu’il est capable de me laisser une pleine et entière liberté.

Le Marquis.

Mille pardons, madame la Comtesse ; mais je crois votre cœur engagé.

La Comtesse.

Non ; si j’aimais quelqu’un, je l’avouerais franchement.

Le Marquis.

Est-il possible que tant d’attraits n’aient blessé encore le cœur de personne ?