Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/368

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Marquis.

Il faut connaître à peu près l’humeur du père.

Le Lieutenant.

Je lui parlerai : je m’introduirai sans façons, et nous ferons bientôt connaissance à la militaire.

Le Marquis.

Mais, de grâce, mon ami, ne nous arrêtons point trop long-temps ici.

Le Lieutenant.

Quel empressement est le vôtre ! d’après ce que vous m’avez dit pourtant, on ne vous attend à Milan que dans un mois. Nous partirons dans la soirée ; nous voyagerons la nuit, et demain vous serez à temps encore de surprendre agréablement vote future. Si vous voulez, en attendant, vous reposer un moment, entrez dans notre chambre. Je vais faire un tour à la cuisine, voir un peu ce qu’on nous donne à dîner, et goûter ce fameux vin de Montferrat. Je ne voudrais pas que ces drôles-là se jouassent de notre bonne foi. Arrive qui pourra : dussions-nous manger seuls, si le vin est bon, nous ne passerons pas mal la journée. (Il sort.)


Scène III.

Le Marquis, (seul.)

Bravo, mon cher Lieutenant ! toujours de bonne humeur ; je ne sais si c’est, en lui, l’heureux effet du naturel, ou le privilège de son état. Avec quel plaisir j’aurais suivi, comme lui, la carrière des armes ! Mais je suis seul de mon nom ; il faut nécessairement que je me marie. Mes parens me voyent de mauvais œil jouir de ma douce liberté : j’en dois faire le sacrifice. Puisse du moins le sacrifice