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Le Lieutenant.

Voulez-vous que je vous dise ce qui vaudrait le mieux ?

Le Marquis.

Oui : quelle serait votre opinion à cet égard ?

Le Lieutenant.

Mais de ne point se marier du tout. Si votre épouse est belle, elle plaira à trop de monde : si elle est laide au contraire, elle ne plaira ni aux autres ni à vous. Avec une laide, vous aurez le diable dans la maison : avec une belle, ce sera des légions de diables au dedans et au dehors de la maison.

Le Marquis.

Conclusion ; vous voudriez que tout le monde vécût à la militaire.

Le Lieutenant.

C’est que, ma foi, je ne connais rien de mieux au monde. Aujourd’hui ici, demain là : aujourd’hui une amourette, demain une autre. On aime, on fait sa cour, on est l’esclave de sa belle, et, au premier coup de baguettes, salut à qui reste, bien du plaisir à qui s’en va.

Le Marquis.

Et à peine arrivé au nouveau Quartier, on s’enflamme à la première vue.

Le Lieutenant.

C’est l’affaire d’un clin d’œil ; et tenez, si la jeune personne qui loge ici en vaut tant soit peu la peine, je m’engage à vous faire voir comment, avec deux mots, on se fait aimer.

Le Marquis.

L’essentiel d’abord, c’est qu’ils veuillent bien de notre compagnie.

Le Lieutenant.

Et pourquoi la refuseraient-ils, s’il vous plaît ?