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Le Lieutenant.

Fort bien. Si cela ne les gêne pas, nous pourrions dîner ensemble.

Le Marquis.

Non, non, mon cher ami, point de retard, s’il vous plaît ; prenons quelque rafraîchissement, et hâtons-nous de poursuivre notre voyage.

Le Lieutenant.

Avec votre permission, mon cher Marquis, je suis parti de Turin avec vous par pure complaisance. Je me fais un plaisir de vous accompagner ; mais voyager à l’heure qu’il est, par ce soleil ardent, avec cette affreuse poussière… ! Je vous avoue que cela ne m’arrange pas plus qu’il ne faut.

Le Marquis.

Comment donc ! un militaire n’ose braver ni la poussière, ni l’ardeur du soleil ?

Le Lieutenant.

Si les devoirs de mon état m’y obligeaient, je le ferais volontiers : mais la nature nous apprend à fuir, quand on le peut, tout ce qui incommode. Je me mets à votre place, mon cher ; je sens bien que le désir de voir votre épouse vous aiguillonne un peu : il faut cependant aussi avoir pitié de votre ami.

Le Marquis.

Oui, oui, je vous entends. C’est l’occasion de dîner avec une jolie femme qui vous rend la chaleur et la poussière si redoutables aujourd’hui.

Le Lieutenant.

Eh ! ventrebleu ! quatre heures plutôt, quatre heures plus tard, nous serons demain à Milan. Garçon, préparez-nous à dîner.

Le Garçon.

Vous allez être servi.