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sant pas souffrir l’accusé, le forcerait à entrer dans la voie des aveux pendant son interrogatoire, mais que ceci étant une utopie et un rêve aussi irréalisable que la découverte du mouvement perpétuel, le juge doit s’en tenir au système employé, c’est-à-dire à augmenter progressivement les souffrances, si des moindres n’obtenaient pas le résultat voulu[1].

On a presque vu dans l’œuvre de Tolstoï un pamphlet dirigé justement contre le tribunal russe, tandis que les opinions qu’il émet sur la justice criminelle moderne n’auraient pas changé s’il avait dépeint, au point de vue où il se place, un juge anglais ou de toute autre nationalité, ou la plus perfectionnée des prisons, même américaines avec éclairage électrique, ventilation automatique et autres accessoires de confort. On a même été tenté de voir chez lui une malveillance envers le monde de la magistrature. D’abord, il est en réalité fort éloigné de toute malveillance envers quelqu’un. Le moindre trait de sa colossale personnalité spirituelle et morale s’oppose à la possibilité d’avoir en soi un sentiment semblable envers qui que ce soit du monde qu’il dépeint. En second lieu, le peuple des fonctionnaires ne cède en rien, à ses yeux, au personnel judiciaire. Les fonctionnaires, par suite de leur devoir professionnel, deviennent impénétrables à tout sentiment humain

  1. Richard Wrede, Die Körperstrafen bei allen Völkern von den ältesten Zeiten bis auf die Gegenwart, pages 351, 363.