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Dès qu’elle la connut, Katucha remarqua que partout où elle se trouvait, dans n’importe quelles circonstances elle ne pensait jamais à elle-même et n’était préoccupée que du soin de venir en aide à quelqu’un d’une façon ou d’une autre. Tout l’intérêt de son existence, comme l’est pour un chasseur celui de découvrir du gibier, consistait pour elle à trouver l’occasion de se rendre utile à quelqu’un. Ce genre de sport tourna en habitude, se fit le but de sa vie. Et elle accomplissait cela si naturellement que tous ceux qui la connaissaient finissaient par ne plus l’apprécier et l’exigeaient simplement ».

Il ne faudrait pas conclure que ces lignes sont l’apothéose des condamnés politiques. Nullement. À l’opinion de Tolstoï, ils sont également des égarés. Mais, d’après lui, la prérogative de leur conduite consiste en ce qu’ils sont des pionniers de l’idée pour elle-même, et qu’ils lui servent non comme des maîtres, des prédicateurs, des dirigeants ou des philanthropes, mais comme des amis, des compagnons de travail et de souffrances. L’absence de ce droit dans l’activité de Nekludoff est la raison fondamentale du manque de satisfaction que lui-même et que les autres pressentent de ses actions généreuses : ceci se remarque non seulement dans ses rapports avec les prisonniers, mais encore, par exemple, lorsqu’il abandonne ses terres aux paysans de Kousminskoé.

« Tout s’arrangea comme s’y attendait et le désirait Nekludoff : les paysans acquérirent la terre