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Tout cela resterait également inepte même si Catherine Maslow était acquittée. Ce n’est pas l’erreur judiciaire qui intéresse Tolstoï, mais l’erreur d’un sentiment moral qui admet un tribunal criminel, quel qu’il soit. Il s’arrête le moins sur la description des souffrances morales que doit endurer l’accusée se sentant victime d’une erreur judiciaire. Rappelons-nous sa conversation avec Nekludoff dans l’infirmerie de la prison, quand revenant de la campagne, ce dernier lui remet une photographie qu’il y a retrouvée.

« Haussant ses noirs sourcils, elle lui jeta un regard étonné de ces yeux qui louchaient un peu, comme pour lui demander « À quoi bon ? » et sans mot dire elle prit l’enveloppe et la cacha dans son tablier.

— J’ai vu là-bas votre tante, dit Nekludoff.

— Vous l’avez vue ? demanda-t-elle avec indifférence.

— Êtes-vous bien ici ? reprit Nekludoff.

— Assez bien, répondit-elle.

— Cela ne vous semble pas trop pénible ?

— Non. Je n’y suis pourtant pas encore habituée.

— Je suis bien content pour vous. C’est toujours mieux que là-bas.

— Où ça, là-bas ? dit-elle, et son visage s’empourpra.

— Là-bas, en prison, se hâta de répondre Nekludoff.

— En quoi donc est-ce mieux ici ? fit-elle.