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pas leur personne qui se manifeste par leur disposition d’esprit et leurs pensées, différemment chez les juges, habitués à leur travail journalier et chez les jurés qui sont en rapports plus directs avec l’œuvre de justice qui s’accomplit devant eux. Les juges sont capables de penser à leurs affaires et à leurs soucis sans s’occuper le moins du monde de ce qui se passe autour d’eux ; les jurés réagissent davantage sur les faits établis par l’enquête, mais comment ?

« On voit qu’il buvait sec » remarque le juré-marchand à la lecture de ce que l’estomac de la victime renfermait une grande quantité de vin. Ou bien : « En voilà un doigt ! » dit le même juré en essayant à son doigt la bague figurant sur la table parmi les pièces à conviction, et en regagnant sa place, « de la grosseur d’un bon concombre » ajoute t-il, s’amusant évidemment à l’idée de géant qu’il s’était faite du marchand empoisonné. Cette réaction, comme on le voit, a peu de rapports avec un intérêt quelconque au sort de la victime. Ce joyeux juré sympathisait évidemment au passe-temps du sieur Smelkow. « Il faisait rudement la noce tout de même, à la sibérienne ! Et il n’avait pas mauvais goût, non plus, quelle fillette il s’est payé ! » pérore-t-il dans la chambre des délibérations.

Les prévenus sont derrière une grille, surveillés par des gardiens ; de cette façon les juges peuvent en toute sécurité satisfaire leur curiosité en les observant comme des animaux dans une ménagerie.