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Il est l’ancêtre, il est le vieillard ténébreux
Dont le père a souffert dans la ruelle turque
      Avant que sa race bifurque
Et mette un masque franc sur son visage hébreu.

Bonasse, en somme, avec ses lunettes d’écaille
      — Les besicles du bon Chardin ! —
Il médite au milieu de son maigre jardin
Assis, luxe nouveau, sur la chaise de paille.

Car il vécut vautré dans les coussins épars
Bien avant que la rade éclatante secoue
Sous leur noire fumée, en face des remparts,
La première frégate et les bateaux à roue.

Ses yeux lointains ont vu la tempête ronger
Les escaliers visqueux de la porte marine
Et l’odeur de l’esclave, odeur fauve d’Alger,
Dès sa première enfance a flatté ses narines.