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sans vouloir entendre parler de Kiev, sans prier, fuyant le monde, et errant du matin jusqu’au soir avancé dans la forêt sombre. Les épines déchirent son visage et ses épaules ; le vent soulève ses boucles tressées ; les feuilles d’automne bruissent sous ses pieds, — mais elle ne regarde rien. À l’heure où tombe le crépuscule, quand les étoiles ne brillent pas encore et que la lune n’a pas paru, il est déjà effrayant d’aller dans la forêt : à ce moment les enfants non baptisés s’égratignent et s’accrochent aux branches, sanglotent, rient, roulent en boules par les chemins et dans les larges orties ; des flots du Dniepr s’échappent par bandes les âmes perdues de jeunes filles ; les cheveux tombent de la tête verte sur les épaules ; l’eau ruisselle avec bruit de ses longs cheveux, et la jeune fille brille à travers l’onde comme à travers une chemise de verre ; ses lèvres rient bizarrement, ses joues flambent, ses yeux attirent l’âme… l’âme humaine se sent brûler d’amour, elle veut baiser à l’envi… Fuis, homme baptisé !… Ces lèvres, c’est de la glace ; son lit, c’est l’eau froide ; elle te fera mourir sous ses caresses et t’entraînera dans la rivière.