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pourrissent. On dit qu’ils étaient tous prêts à se vendre à Satan pour de l’argent, avec leur âme et leurs surtouts déchirés. S’il a véritablement de l’or, il n’y a pas de temps à perdre ; on ne s’enrichit pas tous les jours à la guerre…

— Je sais ce que tu médites : une rencontre avec lui ne me présage rien de bon. Voilà que ta respiration est lourde, tes yeux sont durs, tes sourcils se pressent sur tes yeux d’un air morne !…

— Tais-toi, femme ! dit Danilo avec colère ; celui qui discute avec vous devient lui-même femme. Garçon, donne-moi du feu de ta pipe…

Il se retourna vers l’un des rameurs, qui, piquant la cendre chaude dans le fond de sa pipe, en jeta une pincée dans celle de son pan.

— Vais-je m’effrayer d’un sorcier ! continua le pan Danilo. Un Kosak, grâce à Dieu, ne craint ni les diables ni les moines ! Nous serions bien, si nous nous mettions à écouter les femmes. N’est-ce pas vrai, garçons ? notre femme, — c’est notre pipe et notre sabre tranchant !

Katerina se tut, et jeta les yeux sur l’eau endormie ; mais le vent en couvrit alors la surface de