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Le tabac se payait alors cher. Il prit avec lui un de mes frères, âgé de trois ans, pour l’habituer de bonne heure à faire le tchoumak[1] ; nous restâmes : mon grand-père, ma mère, moi, un frère, et encore un autre frère.

Mon grand-père commença à ensemencer un bachtane[2], le long même de la route, et à vivre dans un kouren[3] ; il nous garda avec lui pour chasser les moineaux et les pies de sa plantation. On ne peut dire que ce fût pénible pour nous : il nous arrivait, il est vrai, de ne manger, toute une journée, que des concombres, des melons, des navets, des oignons, des pois, si bien qu’on eût dit que des coqs nous chantaient dans le ventre, à certains moments. Pourtant, parfois, nous retirions quelque bénéfice : les passants étaient nombreux sur la route, chacun avait envie de se régaler d’un melon d’eau ou d’un melon ordinaire, et des

  1. On appelle tchoumaks les voituriers qui vont en Crimée pour le sel ou sur le Don pour le poisson.
  2. Le bachtane est une plantation spéciale de melons, pastèques, concombres et similaires.
  3. Un kouren est une cabane en chaume. Chez les Zaporogues, le kouren était une division du camp militaire. Ici, c’est le premier sens qu’il faut prendre.