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Le vieux chanta ainsi des airs joyeux, tournant ses yeux vers la foule, comme s’il pouvait la voir ; et ses doigts, armés du petit os, volaient, comme des mouches, sur les cordes, qui paraissaient résonner toutes seules ; et à l’entour, le peuple, les vieillards penchant la tête, les jeunes gens, tous les yeux fixés sur le joueur, chuchotaient entre eux, et nul ne songeait à rire.

― Écoutez, dit le vieillard, je vais vous chanter une histoire du vieux temps.

La foule se pressa encore davantage, et l’aveugle commença :

« Sous le pan Stépane, prince de Sedmigradski (ce prince était aussi roi de Pologne), vivaient deux Kosaks : Ivan et Pierre. Ils vivaient comme deux frères. « Vois, Ivan, tout ce qui nous arrivera sera partagé par moitié : quand l’un de nous aura un plaisir, l’autre l’aura également ; quand l’un de nous aura un chagrin, l’autre en prendra aussi sa part ; quand l’un aura du butin, la moitié sera pour l’autre ; si l’un est fait prisonnier, l’autre vendra tout pour le racheter, et, s’il ne peut, viendra le rejoindre en captivité. » Et ce fut ainsi ; tout ce que les Kosaks acquirent, ils en