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d’une courte attente, il s’éloigna emportant son butin. La Tatare était couchée, respirant à peine.

— Lève-toi, lui dit-il ; allons, tout le monde dort, ne crains rien. Es-tu en état de soulever un de ces pains, si je ne puis les emporter tous moi-même ?

Il mit le sac sur son dos, en prit un second, plein de millet, qu’il enleva d’un autre chariot, saisit dans ses mains les pains qu’il avait voulu donner à la Tatare, et, courbé sous ce poids, il passa intrépidement à travers les rangs des Zaporogues endormis.

— Andry ! dit le vieux Boulba au moment où son fils passa devant lui.

Le cœur du jeune homme se glaça. Il s’arrêta, et, tout tremblant, répondit à voix basse :

— Eh bien ! quoi ?

— Tu as une femme avec toi. Sur ma parole, je te rosserai demain matin d’importance. Les femmes ne te mèneront à rien de bon.

Après avoir dit ces mots, il souleva sa tête sur sa main, et considéra attentivement la Tatare enveloppée dans son voile.

Andry se tenait immobile, plus mort que vif, sans oser regarder son père en face. Quand il se décida à lever enfin les yeux, il reconnut que Boulba s’était endormi, la tête sur la main.