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la cendre chaude. À sa grande surprise, il les trouva vides l’une et l’autre. Il avait fallu des forces surhumaines pour manger tout ce gruau, car son kourèn comptait moins d’hommes que les autres. Il continua l’inspection des autres marmites, et ne trouva rien nulle part. Involontairement il se rappela le proverbe : « Les Zaporogues sont comme les enfants ; s’il y a peu, ils s’en contentent ; s’il y a beaucoup, ils ne laissent rien. » Que faire ? Il y avait sur le chariot de son père un sac de pains blancs qu’on avait pris au pillage d’un monastère. Il s’approcha du chariot, mais le sac n’y était plus. Ostap l’avait mis sous sa tête, et ronflait étendu par terre. Andry saisit le sac d’une main et l’enleva brusquement ; la tête d’Ostap frappa sur le sol, et lui-même, se dressant à demi éveillé, s’écria sans ouvrir les yeux :

— Arrêtez, arrêtez le Polonais du diable ; attrapez son cheval.

— Tais-toi, ou je te tue, s’écria Andry plein d’épouvante, en le menaçant de son sac.

Mais Ostap s’était tu déjà ; il retomba sur la terre, et se remit à ronfler de manière à agiter l’herbe que touchait son visage. Andry regarda avec terreur de tous côtés. Tout était tranquille ; une seule tête à la touffe flottante s’était soulevée dans le kourèn voisin ; mais après avoir jeté de vagues regards, elle s’était reposée sur la terre. Au bout