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par les joueurs de bandoura, ou bien… ? Mais l’avenir est inconnu ; il se tient devant l’homme, semblable à l’épais brouillard d’automne qui s’élève des marais. Les oiseaux le traversent éperdument, sans se reconnaître, la colombe sans voir l’épervier, l’épervier sans voir la colombe, et pas un d’eux ne sait s’il est près ou loin de sa fin.

Après la réception des images, Ostap s’occupa de ses affaires de chaque jour, et se retira bientôt dans son kourèn. Pour Andry, il ressentait involontairement un serrement de cœur. Les Cosaques avaient déjà pris leur souper. Le soir venait de s’éteindre ; une belle nuit d’été remplissait l’air. Mais Andry ne rejoignait pas son kourèn, et ne pensait point à dormir. Il était plongé dans la contemplation du spectacle qu’il avait sous les yeux. Une innombrable quantité d’étoiles jetaient du haut du ciel une lumière pâle et froide. La plaine, dans une vaste étendue, était couverte de chariots dispersés, que chargeaient les provisions et le butin, et sous lesquels pendaient les seaux à porter le goudron. Autour et sous les chariots, se voyaient des groupes de Zaporogues étendus dans l’herbe. Ils dormaient dans toutes sortes de positions. L’un avait mis un sac sous sa tête, l’autre son bonnet ; celui-ci s’appuyait sur le flanc de son camarade. Chacun portait à sa ceinture un sabre, un mousquet, une petite pipe en bois, un briquet et des poinçons.