la place, et n’ayant rien autre chose à faire, les Cosaques se mirent à ravager les environs, à brûler les villages et les meules de blé, à lancer leurs chevaux dans les moissons encore sur pied, et qui cette année-là avaient récompensé les soins du laboureur par une riche croissance. Du haut des murailles, les habitants voyaient avec terreur la dévastation de toutes leurs ressources. Cependant les Zaporogues, disposés en kouréni comme à la setch, avaient entouré la ville d’un double rang de chariots. Ils fumaient leurs pipes, échangeaient entre eux les armes prises à l’ennemi, et jouaient au saute-mouton, à pair et impair, regardant la ville avec un sang-froid désespérant ; et, pendant la nuit, les feux s’allumaient ; chaque kourèn faisait bouillir son gruau dans d’énormes chaudrons de cuivre ; une garde vigilante se succédait auprès des feux. Mais bientôt les Zaporogues commencèrent à s’ennuyer de leur inaction, et surtout de leur sobriété forcée dont nulle action d’éclat ne les dédommageait. Le kochévoï ordonna même de doubler la ration de vin, ce qui se faisait quelquefois dans l’armée, quand il n’y avait pas d’entreprise à tenter. C’était surtout aux jeunes gens, et notamment aux fils de Boulba, que déplaisait une pareille vie. Andry ne cachait pas son ennui :
— Tête sans cervelle, lui disait souvent Tarass, souffre,